Blog sur la nature et ses merveilles
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"La vallée qui chante " écrit par Elisabeth Goudge n'est plus édité depuis longtemps. C'est un livre merveilleux qui parle des esprits de la nature.
Je vais vous faire découvrir cette belle histoire..
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Au XVIIIe siècle, dans la ville de Hard, la petite Tabitha Silver a découvert "la vallée qui chante" c'est à deux pas de la ville, un paradis terrestre souterrain, peuplé de créatures fabuleuses, auquel la simplicité de l'enfance peut seule donner accès.
Au début de ce récit féérique et fantastique, la consternation règne dans le petit port de Hard où l'on doit abandonner, faute de crédits, la construction d'un magnifique navire.
Finalement, grâce à l'intercession de Tabitha et de quelques artisans au cœur simple, le peuple de la vallée viendra au secours de la ville et fournira au chantier naval tous les matériaux dont il a besoin.
Un récit merveilleux où chacun retrouvera, le temps d'une lecture, son âme d'enfant.
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Suite de l'histoire
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Tout en courant, elle prenait conscience de la beauté du Yard, sa patrie. A son avis, aucune ville au monde n'était digne de lui être comparée et peut-être avait-elle raison. Le Hard était bâti au flanc d'un coteau, le long d'une des plus jolies rivières d'Angleterre; les chantiers du Yard, étendus sur ses rives étaient l'orgueil de la cité. Les rues bordées de vieilles maisons aux vitres taillées en pointes de diamant, coiffées de tuiles roses, convergeaient toutes vers le Yard, car elles avaient été bâties pour les charpentiers, les voiliers, les chaudronniers, les peintres et les sculpteurs sur bois qui consacraient leur talent à bâtir les navires magnifiques, gloire à ses chantiers.
Les principales rues étaient la rue du Bois, la rue du Cuivre, la rue des Ailes, la rue des Fleurs et la Grande Rue. Charpentiers et sculpteurs habitaient la rue du Bois. La rue des Ailes était celle des ouvriers voiliers : elle portait ce nom parce qu'une voile gonflée de vent ressemble à une aile déployée. Dans la rue des Fleurs vivaient les ouvriers qui peignaient et doraient les figures de proue et les châteaux des navires. Lorsqu'il leur restait un peu de peinture, ils en décoraient leurs portes et leurs fenêtres : une maison était rehaussée de vermillon, une autre d'outremer ou de vert émeraude, avec une touche d'or sur la chambranle, en sorte que cette rue était aussi riante qu'un jardin en juin. Tabitha habitait la rue du Cuivre, celle des chaudronniers; peut-être était-elle moins pittoresque que les autres, mais elle donnait une impression de force. Chacune de ces rues avait son atmosphère spéciale, due au métier des artisans qui y vivaient.
La Grande Rue était habitée par l'aristocratie. Près de la rivière s'élevait la belle maison du maître d'œuvre, entourée d'un ravissant jardin de fleurs que prolongeaient des vergers; c'est là que demeurait Mr Peregrine avec la jolie française qu'il avait épousée et qu'on appelait toujours Madame, ainsi que Mignon, son caniche enrubanné. En face d'eux le docteur Appleshaw vivait dans une maison blottie au milieux des lilas . Puis venait l'école de dame Treadgold, couvertes de tuiles roses, le magasin aux larges baies où Mr et Mrs Honeybun vendaient toutes sortes de marchandises, le cygne blanc, auberge réputée où séjournaient amiraux et capitaines et où personne on ne s'enivrait jamais (il n'en était pas de même au canard noir, situé tout au bas de la rue du Cuivre; moins nous en dirons à ce sujet, mieux cela vaudra), et enfin le cottage couvert de chèvrefeuille qu'habitaient l'avoué, Mr Whitebait, et Mrs Whitebait. Tout en haut de la Grande Rue se dressait le presbytère, avec son jardin débordant de giroflées rouges au printemps et de juliennes en automne.
Le pasteur Redfern cultivait avec le même zèle les fleurs de son jardin et les âmes de ses paroissiens. Il ne supportait ni les mauvaises herbes, ni les péchés; après une longue vie consacrée à sarcler les uns et les autres. Il en était venu à marcher tout courbe, appuyé sur une canne. Depuis longtemps sa femme était morte et ses enfants partis à travers le vaste monde, car il était très âgé; cependant pour quelques mystérieuses raisons, Tabitha ne le comptait jamais au nombre des grandes personnes.
La Grande Rue aboutissait au point où le coteau culminait en un tertre verdoyant, couronné par l'église de pierre grise, flanquée d'une tour trapue et d'un clocher de bois que surmontait une girouette. Le tertre avait été converti en jardin, auquel on accédait par un échalier; il y poussait de vieux ifs, un cèdre prés du portail de l'ouest et, chaque saison une foison de fleurs; les morts du Hard reposaient dans ce cimetière, le plus adorable de toute l'Angleterre. Du haut de l'échalier on découvrait la perspective de la Grande Rue, la rivière étincelante et bleue, le quai particulier du maître d'œuvre. Des cygnes nageaient sur les eaux que le troupes criardes de mouettes survolaient perpétuellement. Au delà s'étendaient les marais aux couleurs vives, et tout au loin une splendide forêt, où s'élevaient plusieurs châteaux. Mr Peregrine tirait de cette forêt le bois nécessaire à la construction des navires.
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Tabitha courut jusqu'à la fontaine. Elle était très ancienne; linaires, mousses et fougères croissaient dans les interstices des pierres. A l'intérieur, juste au-dessus du niveau de l'eau, quelques pierres avaient été ôtées pour ménager de petites étagères où les riverains conservaient au frais le lait et le beurre. C'est là que Tabitha avait caché les violettes. Elle se pencha sur la margelle, étendit la main pour prendre son bouquet et s'arrêta. Fascinée par le reflet de son visage dans l'eau sombre. Ce n'était pas sa figure qui l'intéressait, mais le fait qu'elle s'était tout d'un coup dédoublée. Que de fois elle avait vu son image dans le miroir de sa mère, sans éprouver cette bizarre sensation d'être à la fois deux Tabitha. On eu dit qu'une seconde petite fille surgissait d'un monde mystérieux, caché aux profondeurs de la terre, flottant à travers les eaux pour venir lui révéler un secret. Elle sourit et hocha la tête; l'autre fillette sourit aussi et demeura, lèvres entrouvertes, comme prête à parler.
- Eh bien ? demanda Tabitha
Soudain quelque chose de terrifiant se produisit. Du monde mystérieux caché dans les entrailles de le terre, une autre créature surgit à travers les eaux. Le visage de la petite fille de la fontaine, tout nimbé de lumière, fut brusquement environné d'ombre; près d'elle se dessina un autre visage, pareil à celui qui surgissait parfois dans les cauchemars de Tabitha, lorsqu'elle rêvait d'ogres et de géants. En même temps , deux mains aux doigts crochus s'élevèrent de chaque coté de son visage , comme pour la saisir et l'entrainer aux profondeurs de l'eau.
- Non, non hurla Tabitha en se précipitant bras tendus, pour retenir l'autre enfant et l'empêcher d'être emportée dans l'abîme. Comme elle se jetait en avant, une main vigoureuse saisit sa robe, qui se déchira, et une voix effrayée s'écria :
- Faites attention, vous allez tomber !
Avant qu'elle ne put se reconnaître, elle se trouva assise au bord de la margelle, sur les genoux de l'ogre. Au dessus de sa tête s'étendait le ciel lumineux et le visage de l'ogre souriait doucement? A vrai dire, ce n'était pas un ogre, mais tout bonnement un vagabond vêtu de haillons. La tête de Tabitha reposait sur l'épaule de l'inconnu; elle essaya de rire, mais elle frémissait encore de sa grand frayeur.
- Voilà qui va mieux, dit l'ogre en rattachant le ruban vert et en enveloppant Tabitha de son bras, comme s'il devinait qu'elle avait besoin de consolation. Ce bras était maigre et osseux, mais réconfortant et Tabitha comprit que l'ogre était un ami, en dépit de ses loques.
- Triple idiot ! ajouta-t-il, s'adressant à lui-même. Pourquoi diable ai-je surgit derrière vous comme un épouvantail ? Vous avez failli mourir de peur, n'est-ce pas ?
- Peut-être aviez-vous envie de voir ce que je regardais dans la fontaine ? suggéra Tabitha.
- Peut-être bien.
- Je regardais une petite fille qui montait vers moi à travers l'eau.
- Et tout à coup, près de son frais visage , vous avez vu apparaître ma laide figure ? Je vous félicite, petite dame. Seule une personne très brave était capable de ne pas tomber raide morte. Mais ne regardez plus jamais votre reflet dans les fontaines, mon enfant. Ce n'est pas sain.
- Pourquoi donc ?
- Souvenez-vous de Narcisse. C'était un jeune garçon qui contemplait son image dans la fontaine; il tomba amoureux de lui-même et fut métamorphosé en fleur. Je serais désolé de vous voir changé en fleur : je vous préfère en petite fille.
- Mais je ne suis pas amoureuse de moi, objecta Tabitha. J'étais seulement étonnée d'apercevoir deux moi. Y a-t-il réellement un second moi vivant dans un autre monde ?
L'ogre garda le silence un moment, puis, d'un ton singulier, comme se parlant à lui-même :
- On prétend qu'il existe un autre monde où vivent nos "doubles" qui n'ont jamais connu le chagrin. Nous les voyons parfois nous faire signe. Un jour nous leur serons réunis. Ils vivent dans la paix, dit-on, et bien des hommes ont cherché cette paix au fond des eaux.
Tabitha ne comprenait rien à ces paroles, mais son oreille délicate appréciait le timbre musical de la voix qui les prononçait. Tout à coup délivrée de sa frayeur, elle se laissa glisser par terre pour regarder l'ogre bien en face. Son apparence désordonnée venait, découvrit elle, de ce qu'il avait une barbe de huit jours. Il n'avait pas coupé ses cheveux depuis longtemps et son visage tanné était couvert de poussière. Ses vêtements poussiéreux aussi, étaient de bonne coupe; il s'exprimait comme le pasteur et Mr Peregrine, non comme les bohémiens qu'elle avait vu parfois au Hard. Les yeux noirs souriaient et cependant ils avaient une expression désespérée; ils étaient cernés comme si l'étranger n'avait pas mangé depuis longtemps; pourtant il portait un anneau d'or au doigt et de coin d'un foulard de soie s'échappait de sa poche. Tabitha le trouvait bien déconcertant.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle
- Un abominable désastre, fut la réponse.
-Oh ! je ne crois pas en avoir jamais vu ?
- Il est probable, en effet, que cette espèce n'existe pas au Hard. Jamais je n'ai vu cité plus prospère, plus confortable et plus douillette.
- Quand êtes-vous arrivé ?
- Hier soir.
-Où avez-vous passé la nuit ?
- Dans les chantiers.
-Mais ils sont fermés, la nuit.
- J'ai réussi à m'y faufiler, dit-il en riant et Tabitha lui fit écho. Oui, on pouvait s'y faufiler; elle savait très bien de quelle façon.
- Avez-vous vu les navires que nous construisons ? demanda-t-elle. Le long courrier qui doit aller aux Indes ?
Le visage de l'homme se rembrunit tout à coup et son expression sauvage effraya la petite fille; cependant sa voix était toujours aussi musicale quand il répondit :
- Je l'ai contemplé toute la nuit. Il avait les voiles gonflées par le vent et les étoiles reposaient sur ses mâts.
- Cela ne se peut pas, objecta l'enfant. On vient à peine de le mettre en chantier; il n'a encore ni mâts ni voiles.
Mais elle parlait en pure perte. L'ogre s'était levé d'un bond et remontait à grands pas la rue du Bois. Tabitha eut une envie folle de lui courir après pour lui faire ses adieux dans les règles; mais c'était une enfant raisonnable, sachant déjà qu'il faut prendre les choses comme elles viennent. C'était l'anniversaire de Job; il n'avait pas encore reçu son bouquet. Une fois de plus l'enfant se pencha sur la fontaine et, sans regarder la seconde Tabitha, elle retira les primevères, aussi fraîches et parfumées que lorsqu'elle les avait cueillies.
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