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Blog sur la nature et ses merveilles

La Vallée qui chante - chapitre 16 -

"La vallée qui chante " écrit par Elisabeth Goudge n'est plus édité depuis longtemps. C'est un livre merveilleux qui parle des esprits de la nature.

Je vais vous faire découvrir cette belle histoire..

 

 

Au XVIIIe siècle,  dans la ville de Hard, la petite Tabitha Silver a découvert "la vallée qui chante" c'est à deux pas de la ville, un paradis terrestre souterrain, peuplé de créatures fabuleuses, auquel la simplicité de l'enfance peut seule donner accès.

Au début de ce récit féérique et fantastique, la consternation règne dans le petit port de Hard où l'on doit abandonner, faute de crédits, la construction d'un magnifique navire.

Finalement, grâce à l'intercession de Tabitha et de quelques artisans au cœur simple, le peuple de la vallée viendra au secours de la ville et fournira au chantier naval tous les matériaux dont il a besoin.

Un récit merveilleux où chacun retrouvera, le temps d'une lecture, son âme d'enfant.

 

Suite de l'histoire 

Tabitha regarda Madame, installée sur le dos de Chérie, elle paraissait perdue dans un rêve tandis que, perché près d'elle sur un buisson, le merle qui avait un bec semblable à un crocus chantait : "Loue le Seigneur ! " Madame souriait et paraissait aussi jolie et fraîche que tout à l'heure à la fenêtre, mais ce n'était pas une petite fille.

- Que vais-je faire ? demanda Tabitha. Chérie que vais-je faire ?

Chérie leva son petit sabot et heurta à la porte. Tabitha et s'empressa d'en faire autant.

- Quel âge avez-vous ?

Cœur battant, la petite fille reconnut la voix profonde et douce qui lui avait jadis posé la même question.

- Nous sommes trois, répondit-elle timidement et son cœur battait si fort qu'elle pouvait à peine parler. Deux petites filles et un poney. Nous permettez vous d'entrer ?

- Tabitha et le poney peuvent entrer, reprit la voix, mais l'autre fillette n'est pas encore assez petite.

Tabitha tomba à genoux, appuyant sur la porte la paume de ses mains :

- Je vous en prie ! je vous en supplie ! Ce serait trop affreux que la pauvre Madame exclue de la Vallée qui chante et séparée de Mr Peregrine et de Mignon, tout cela parce qu'elle n'était pas assez jeune pour y entrer. Je vous en prie ! répéta Tabitha. 

- Elle a cinq ans de trop, répondit la voix, à regret mais avec une inexorable fermeté.

Tabitha fondit en larmes. Elle aurait fait n'importe quoi pour permettre à Madame d'entrer; n'importe quoi, excepté de renoncer à u entrer pour son propre compte.

- Cela dépend de toi, reprit la voix avec une grande douceur.

- Mais que puis-je faire ? sanglota l'enfant. Elle sentait son cœur battre jusque dans sa gorge.

- Prends lui ces cinq ans et porte les à sa place, elle n'aurait donc plus que dix ans et il lui serait permis d'entrer.

- Et moi ? murmura très bas Tabitha.

- Tu en aurais quinze et ne pourrais entrer.

- Plus jamais ?

Il n'y eu pas de réponse. Tabitha était toujours agenouillée. le visage ruisselant de larmes. Plus jamais ! ne plus jamais revoir les clairières et les bois, les collines couvertes d'œillets, ne plus jamais revoir Soisette, Ariès, ses amis du petit peuple et les animaux bondissants... En être exclu pour toujours ! Mais si elle entrait, Madame devait rester dehors. C'était à prendre ou à laisser. Que faire ? De l'autre côté de la porte tout était silencieux, mais Tabitha savait que l'on attendait sa réponse. Et elle savait qui l'attendait : c'était son bon Ange. Si elle répondait bien il serait heureux, si elle répondait mal il aurait de la peine; mais il ne pouvait répondre à sa place. Elle était obligée de faire son choix elle-même.

Le doux museau de Chérie se fourra dans son cou comme pour dire ; " Ecarte toi de cette porte. Je veux entrer avec ma maîtresse."

- Je prendrai les cinq ans. Chuchota Tabitha, les lèvres posées contre la porte. Permettez lui d'entrer je vous en prie.

Un éclat de rire retendit derrière elle. Tabitha se releva d'un bond et tourna la tête, mais au premier abord elle ne put rien distinguer, tant elle était aveuglée par les larmes; elle s'essuya les yeux du revers de la main et aperçut une ravissante petite fille assise sur Chérie. C'était une enfant ronde et rose, avec des fossettes, des yeux bleus, une quantité de cheveux ébouriffés sous une capeline de paille garnie de rose et de rubans. Un fiche blanc se croisait sur sa poitrine, sa robe rose était retroussée sur un jupon vert semé de boutons roses : il ne lui manquait qu'une houlette enrubannée pour ressembler comme deux gouttes d'eau à la bergère de porcelaine qui ornait le salon de Madame Peregrine. La fillette regardait autour d'elle en riant.

- Désirez-vous franchir cette petite porte ? lui demanda Tabitha

- Le puis-je ? interrogea la petite fille, subitement devenue grave, avec Chérie ?

- Frappez et essayez, répondit Tabitha.

La petite fille se laissa glisser à bas du poney, montrant ses pantalons ornés de dentelle, prit les rênes de la main gauche et frappa doucement à la porte.

- Quel âge avez-vous ? demanda la voix.

- Dix ans; je m'appelle Julie. Puis-je entrer ?

La porte s'ouvrit; Tabitha se rejeta en arrière pour ne pas voir la chère Vallée qui chante dont elle était exclue. Mais une bouffée embaumée venue jusqu'à elle lui fit verser des larmes de nostalgie. Julie franchit la porte; Chérie la suivit, baissant sa jolie tête blanche, et Tabitha se retrouva seule.

Elle se laissa tomber près du ruisseau, sur la pierre où Job s'était assis, et versa toutes les larmes de son corps, après quoi elle se sentit un peu mieux. Fouillant dans sa poche pour prendre son mouchoir, elle s'aperçut en le dépliant qu'il contenait quatre escargots.

- Oh s'écria t-elle. Pauvre petits ! si j'étais entrée, j'aurais pu vous emmener. Maintenant il est trop tard pour vous, je suis désolée !

Les escargots baissèrent le nez, mais ils ne paraissaient pas lui en vouloir. Ils s'installèrent à côté d'elle sur la pierre, fées exilées de leur pays comme Tabitha était exilée de la Vallée.

- Nous sommes logés à la même enseigne, dit la petite fille qui trouvait leur présence très réconfortante.

Elle se rappela qu'elle avait quinze ans, mais elle n'avait pas l'impression d'avoir vieilli ; la seule différence qu'elle ressentait. C'était une pesanteur au creux de l'estomac, comme si les cinq ans de Julie avaient été difficile à digérer.

Et maintenant que faire ? Rentrer chez elle ? Mais comment expliquer la disparition de Mr et Madame Peregrine et de la chaise ?

Elle se décida à avancer un peu plus sur la vieille route. Elle se leva; les escargots l'imitèrent avec alacrité et s'élancèrent devant elle comme pour lui montrer le chemin. Subitement consolée, Tabitha se mit à répéter la chanson que le merle lui avait apprise.

Au détour du sentier elle entendit une exclamation de joie et le saut de quelqu'un qui bondissait par-dessus la chaise, comme avait fait Mr Peregrine; levant les yeux; levant les yeux, elle reconnut son ogre.

- Par exemple ! voilà Narcisse ! dit-il en se jetant sur l'herbe pour la regarder plus à son aise. Ce faisant, ses yeux tombèrent sur les escargots.

- Ce sont vos gardes du corps ? demanda t-il ? 

- Les vôtres, ils attendent pour vous ramener aux Champs Elysées.

Et Tabitha se demanda ce que cela pouvait bien vouloir dire ! Elle avait prononcé ces mots sans les comprendre. Qu'était ce que les Champs Elysées ? N'était-ce pas un des noms que, d'après Soisette, les hommes donnent à l'Atelier ? Ce qu'elle avait dit semblait effrayer l'ogre lui-même, car son visage se contracta comme sous l'effet d'une rage de dents.

- Mon enfant, dit-il, on ne peut jamais y retourner.

- On peut toujours retourner à un endroit où l'on a déjà été ! riposta Tabitha.

- Quand vous aurez mon âge, Narcisse, vous saurez qu'il n'en est rien. Si vous retourniez à la colline près de la mer que vous avez connue dans votre enfance, vous ne la reconnaîtriez pas.

- C'est parce que vous faîtes écran à la lumière, répondit Tabitha à son propre étonnement. Si vous étiez ce que vous fûtes ou ce que vous serez, vous la retrouveriez pareille à elle-même.

De nouveau, elle se demanda ce que tout cela voulait dire ! Son Ange qui parfois lui soufflait des idées, lui soufflait maintenant des paroles ? L'ogre lui aussi paraissait abasourdi.

- Avez-vous parfois fait quelque chose ? demanda la petite fille à l'improviste.

- Oui ; j'ai fait un affreux gâchis de ma vie. 

Tabitha se rappela que Madame avait fait de Mignon un imbécile et que cependant, avec un peu d'aide, elle avait franchi la porte.

- Avec de bonnes intentions ? poursuit-elle.

L'ogre prit le temps de la réflexion, puis la regarda droit dans les yeux :

- Oui, Dieu me soit en aide ! je suis sûr qu'au début il en était ainsi.

Le cœur de Tabitha se remplit d'aise. Ce n'était ni un orgueilleux ni un hypocrite; de plus, il avait fait quelque chose. Mais elle espérait n'avoir pas à lui retirer quelques années, car elle était sûre de les trouver plus indigestes encore que celles de Julie.

- Vous la franchirez, déclara t-elle.

- Quoi donc ?

- Derrière cette haie d'aubépines se trouve une vieille carrière où les enfants aiment venir jouer. Là s'ouvre une petite porte qui donne accès aux Champs-Elysées. En entrant dans la carrière vous redeviendrez petit; frappez à la porte, elle s'ouvrira. Auriez-vous la gentillesse d'emmener les escargots ? ils ont envie d'y aller, et puis ils pourront vous aider.

L'ogre sourit, mais Tabitha se rendit compte qu'il ne croyait pas un mot de son histoire. Cependant il entra dans son jeu.

- Très bien, Narcisse, mais venez avec moi, je n'irai nulle part sans vous.

- Je vous accompagnerai jusqu'à la carrière; peut être aurez-vous besoin de moi là-bas.

Les escargots, qui sommeillaient dans leur coque, s'élancèrent sur ce qui leur servait de pieds et marchèrent en avant. Une fois franchie la haie d'aubépines, ils se trouvèrent sur le sentier; autour d'eux régnait une paix verte et profonde, toute pénétrée de chants d'oiseaux. L'ogre reprit son souffle, comme si tant de beauté l'eût frappé en plein cœur ; puis il se pencha vers Tabitha et l'enleva dans ses bras :

- Voilà un bien rude chemin pour une petite fille dit-il avec douceur.

Tabitha fut indignée. Etre portée comme un bébé ! mais elle se laissa faire, sa mère lui ayant appris qu'il est égoïste de refuser l'aide des gens bien intentionnés, même si cette aide paraît superflue. 

L'ogre suivit le sentier, assez lentement pour ne pas écraser les escargots. Autour d'eux montaient le chant des oiseaux et la fraîche haleine de la clairière.

 

 

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