Blog sur la nature et ses merveilles
Il est près de 17 heures. Le ballet des remontées mécaniques s’interrompt et le crépuscule approche. Récemment encore, les vacanciers rentraient se réchauffer au village. Aujourd’hui, les trappeurs dans l’âme chaussent des raquettes pour une rando au clair de lune. Certains vont dîner en altitude, parfois sous une yourte, un tipi ou même à l’abri d’un igloo qu’ils ont bâti de leurs mains pour y passer la nuit. D’autres s’offrent une balade en traîneau ou une descente en paret, petite luge rétro à un seul patin. Les plus sportifs pratiquent le ski de randonnée avec un guide de montagne ou glissent sur les domaines skiables ouverts jusqu’à 22 heures.
Un éveil sensoriel. Certes, selon l’anthropologue Gilbert Durand, « la neige est phosphorescente » (In Champs de l’imaginaire de Gilbert Durand, Ellug, 1996) et ne nous plonge jamais dans une nuit noire et inquiétante. Pourtant, les activités nordiques à la lueur des étoiles permettent « d’étouffer les signaux parasites de la vie moderne au profit d’un développement du langage sensoriel », avance Olivier Sirost, sociologue et ethnologue, directeur d’ouvrage pour La Vie au grand air (Presses universitaires
de Nancy, 2009). Introspection, activation des cinq sens, écoute de la nature : la pénombre et le paysage lunaire, en brouillant nos repères visuels habituellement sur sollicités, nous recentrent sur un territoire plus intime.
Un changement de cycle. La neige et la nuit ont un autre point commun : leur apparition est cyclique. En réexplorant des traditions folkloriques comme la soirée inuit en igloo ou le rituel du vin chaud, notre corps, soumis au froid et à l’obscurité, se resynchronise sur son horloge interne. « Expérimenter ainsi la cyclicité de la vie permet symboliquement de se redécouvrir fragile dans une société qui impose en permanence le diktat du bonheur », observe encore Olivier Sirost. Apparaître, évoluer, changer d’état, disparaître : l’homme, les journées et les saisons ont le même destin.
Un retour au sacré. Qu’elles nous plongent dans une ambiance nomade feutrée ou festive et artificielle, ces activités ne dénotent pas une tentative inconsciente d’allonger la vie ou de combattre sa peur des ténèbres, selon le sociologue. « À l’heure où les débats sur l’euthanasie ou le gel d’ovocytes montrent que l’homme est capable de maîtriser la vie, les rituels nocturnes en plein air permettent au contraire de sacraliser et d’accepter la mort. » En effet, glisser, marcher, camper à la nuit tombée sont vécus comme des cérémonies qui, revisitant des pratiques symboliques primitives, nous reconnectent à la nature, au cosmos… et à notre part d’humanité universelle.
Source : psychologies.com