Blog sur la nature et ses merveilles
Les histoires et légendes contées par ses grands-parents lakotas ont bercé l’enfance de l’écrivain et historien Joseph Marshall III. « Elles sont notre don au monde. Ce ne sont pas des secrets, mais des repères sur le chemin de la vie – les réponses qui s’élèvent au-dessus des grandes plaines de nos vies portées par le vent de la sagesse pour nous aider », écrivait-il dans Le Cercle de la vie (Albin Michel), paru il y a un peu plus de dix ans. Son dernier livre, La Voie lakota de la force et du courage, poursuit son entreprise d’initiation aux traditions amérindiennes au travers d’histoires et d’expériences personnelles. L’auteur, qui est aussi fabricant d’arcs et archer, a sélectionné cinq enseignements : les plus importants, selon lui, parmi tous ceux qu’il a reçus.
La leçon. Pour les Lakotas, la vie est avant tout une succession de transformations. « Certaines sont lentes, comme ce que subit la tige pour devenir un arc. D’autres sont rapides, comme la tige verte que mon grand-père a taillée, assainie et fait durcir au-dessus du feu. » L’important, nous dit Joseph Marshall III, est d’en être conscient afin de ne pas les subir. « Comme les facteurs d’arcs, qui abordent leur tâche avec respect, douceur, attention, de façon à fabriquer le meilleur arc possible. »
La pratique. Il s’agit de renforcer et favoriser les transformations positives. Une fois par semaine, prenez le temps de vous repasser le film des derniers jours en les revivant : visualisez les moments, ressentez les émotions qui leur sont associées. Puis essayez de repérer d’une part ce qui, dans vos relations, vos tâches, votre organisation, vous procure du plaisir et un sentiment d’équilibre et, d’autre part, ce qui vous agace, vous inquiète, vous agresse ou vous épuise. Une fois ces deux pôles identifiés, réfléchissez à ce qui pourrait menacer votre pôle positif et à la façon dont vous pourriez trouver un nouvel équilibre satisfaisant ; puis à ce qui pourrait améliorer votre pôle négatif. Planifiez une série d’actions concrètes à réaliser au jour le jour, avec patience et ténacité.
La simplicité
La leçon. « Chaque aspect de la construction d’un arc et d’une flèche était réduit à sa forme la plus simple possible. Cette conception rendait la construction facile. Préserver les choses simples était bien plus qu’une philosophie. Cela avait une application pratique au jour le jour. Mes grands-parents avaient choisi un style de vie simple afin de pouvoir exploiter au mieux les ressources disponibles », écrit Joseph Marshall III, en précisant que leur vie ne l’était pas toujours, tant s’en faut, mais que la solution qu’ils choisissaient pour atteindre un objectif était celle qui était la plus aisée, la moins dispendieuse, celle qui respectait une forme d’équilibre et d’harmonie naturels. Pour l’auteur, ralentir, trouver des endroits calmes, en soi et à l’extérieur, faire la différence entre le suffisant et le trop sont les seuls moyens de nous faire apprécier la saveur de la vie et de ne pas dilapider l’énergie, la nôtre et celle de notre environnement.
La pratique. Prendre conscience que tout est énergie (les pensées, les mots, l’argent, la matière…) et que, en tant qu’êtres vivants dans un monde fini, nous ne disposons pas d’un capital énergétique illimité. Tout ce que nous produisons et consommons à un coût. Mieux nous gérons notre énergie – physique, psychique et spirituelle – mieux nous vivons. Dans cette perspective, la simplicité devrait être notre boussole, celle qui guide notre façon de communiquer (authenticité, discrétion) ou de consommer (responsabilité, sobriété). Entraînez-vous chaque jour à qualifier vos actes (propos, achats, décisions…) de « justes » ou de « trop ». Trop compliqué ou excessif. Faites confiance à votre petite voix intérieure, qui sait mieux que votre mental ce qui nourrit la simplicité ou l’excès. Identifiez ceux qui, dans les « trop », vous ont procuré du plaisir ou du bien-être, puis réfléchissez à la façon dont vous pourriez obtenir ces mêmes bénéfices sans en passer par l’excès.
La leçon. « Peu d’objets tels que l’arc et la flèche symbolisent à la fois le but et la fonction. Combinés, ils trouvent leur fonction mutuelle : atteindre un but », affirme l’auteur. Il précise que, même si nous avons le sentiment de ne pas avoir de buts particuliers, nous pouvons, si nous le décidons, les trouver, ou leur permettre de nous trouver en les laissant jaillir de nous. L’objectif de Joseph Marshall III était de continuer la transmission des récits de ses ancêtres. Dans la sagesse lakota, celui que tous devraient tenter d’atteindre est d’aider les autres avant de penser à soi. « Crazy Horse1 nous a appris que s’occuper des autres et être dans le don était la chose la plus juste à faire. » Chacun à sa manière, avec ses moyens. « L’important est d’avoir le sentiment de prendre un engagement pour soi, et non de faire quelque chose par obligation ou par devoir. »
La pratique. Apporter sa pierre, même minuscule, au mieux-être du monde ne peut se faire si l’on ignore laquelle nous convient à manier et à transporter. De même que l’archer, l’arc et la flèche ne font qu’un, il faut savoir choisir la forme de don qui nous ressemble le plus, celle qui émane de notre être profond. Certains sont doués pour écouter, d’autres pour conseiller, d’autres encore pour apporter de la gaieté ou de la beauté, pour dénoncer ou pour construire. Ce sont les autres, vos proches, qui connaissent souvent mieux que vous votre talent altruiste particulier. Ils l’expriment avec leur gratitude lorsqu’ils vous remercient parce que vous les faites rire, apaisez leurs inquiétudes, dénouez une situation compliquée ou que vous les écoutez avec bienveillance. C’est simplement cette qualité qui est à cultiver, à dispenser généreusement, chaque fois que vous le pouvez.
La force
La leçon. « Soyons comme l’arc en bois vert que mon grand-père faisait sécher au-dessus du feu. La chaleur l’a rendu plus fort. Sans cela, la tige ne serait jamais devenue un arc. N’importe quel facteur d’arc sait que la chaleur est le meilleur catalyseur. » L’expression « l’épreuve du feu » n’a jamais été aussi éloquente que sous la plume de Joseph Marshall III, qui nous rappelle que nous avons volontiers l’impression qu’il n’y a pas de solution à nos problèmes, « et souvent, nous oublions que ces situations sont des opportunités d’acquérir de la résistance émotionnelle et mentale ». Peu importe que nous parvenions ou pas à surmonter l’épreuve. La vraie force réside dans le fait d’affronter le problème, et de manifester résistance et combativité. Faire face à l’obstacle révèle des ressources que les « temps de paix » laissent en sommeil.
La pratique. Laissez venir à votre mémoire les différentes épreuves que vous avez eues à affronter dans votre vie. Ne vous focalisez pas sur l’issue, heureuse ou malheureuse, mais portez votre attention sur les ressources que vous avez eues à déployer. Qu’avez-vous appris sur vous ? Vous êtes-vous déçu ou agréablement étonné ? Qu’avez-vous fait de ces expériences ? À la lumière de ce que vous avez appris de vous et de la vie, comment les affronteriez-vous aujourd’hui ? Une fois ce travail accompli, prenez un moment pour honorer votre force intérieure. Félicitez-vous, allumez une bougie, faites-vous un cadeau… Gardez à l’esprit que la vraie force est d’essayer de faire au mieux de ce que l’on peut, sans se mentir.
La leçon. « Une caractéristique incroyable de l’arc primitif lakota est sa capacité de résilience. Il y a trois raisons à cela : le bois que le facteur a choisi, le design simple et efficace de l’arc, l’habileté de l’artisan. » Le bois pour les qualités intrinsèques de l’être humain, le design pour l’orientation de ses actions et de ses choix, et l’habileté pour sa manière de les conduire. Pour continuer malgré l’épreuve, Joseph Marshall III nous incite à nous reposer « sur les qualités et les aspects de notre tempérament, qui sont, par nature, aussi puissants que ce qui nous a mis face à cette difficulté ». Et si nous ne pensons pas avoir les ressources requises pour surmonter l’obstacle, il nous invite, comme le veut la tradition lakota, à nous appuyer sur notre entourage, à nous inspirer de la manière dont d’autres, avant nous, ont pu se redresser et poursuivre leur chemin.
La pratique. Notre monde moderne dispose heureusement de ressources comme la thérapie pour nous permettre de nous relever des épreuves, de panser et d’apaiser nos blessures. Mais si le choc n’est pas trop fort, si nous sentons que nous avons besoin d’un simple coup de main pour nous redresser, nous pouvons essayer d’être pour nous-mêmes cette main secourable. Pourquoi ne pas tenter de vous prodiguer les soins et les conseils que vous fourniriez à un être qui vous est cher ? Et si vous ne parvenez pas à vous relever tout seul, pourquoi ne pas solliciter des proches, qui pourront se relayer et vous apporter de l’aide et du soutien afin de favoriser votre convalescence ?
1. Crazy Horse, chef lakota sioux (1840-1877) qui a lutté, comme Sitting Bull, contre les colons militaires américains.
Sources : psychologies.com