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Blog sur la nature et ses merveilles

Des chiens détectent le cancer

 

A 7 ans, Isabelle Fromantin, infirmière et chercheuse à l’Institut Curie, rêvait d’aider les lépreux en Afrique comme le grand humaniste Raoul Follereau. Elle ne voulait pas être docteur, elle voulait soigner les gens. Et celles qui soignent sont les infirmières. « J’ai choisi le soin avec passion, écrit-elle dans Blouse Blanche & Poils de chiens, où elle retrace les étapes d’élaboration du projet Kdog (K pour Crabe, cancer). Je lave des plaies, je coupe des ongles et je change des pansements. J’écoute mes malades et je cherche à les soulager. Cela fait partie de mon équilibre ».

Elle a appris à utiliser des pansements au curcuma, elle en a inventé un avec son équipe qui fleure bon la cannelle. Faute de panser les plaies des lépreux, elle a entrepris de s’attaquer aux tumeurs cancéreuses, à leur odeur terrible qui isole les malades encore davantage. A la fin de sa vie, Freud lui-même souffrait d’un cancer de la mâchoire et exhalait une puanteur qui faisait même fuir Lun, sa chienne Chow Chow adorée.

 

Des limiers anti-crabe

C’est pourtant avec des chiens qu’Isabelle Fromantin a entrepris d’affronter le crabe. Un jour, « la personne qui réceptionne les messages sur le site de l’institut Curie me fait suivre le mail de deux cynophiles, dresseurs spécialisés dans la détection de drogue et d’explosifs. Ils souhaitent diversifier leur activité vers le domaine de la santé et proposent de venir nous parler de leurs chiens et de leur odorat, qui pourrait être utilisé dans le repérage de nombreuses maladies. »

Etymologiquement, le cynophile est celui qui aime les chiens. C’est bien parce qu’Isabelle Fromantin les aime qu’elle a cru aussitôt en ce projet et a su convaincre son équipe. D’autant plus que des expériences de ce genre avaient déjà été réalisées aux Etats-Unis, au Japon et même en France. On sait les chiens capables de détecter toutes sortes de maladies : l’épilepsie, l’hypoglycémie, et également des cancers – de la prostate (par le biais des urines), du poumon, de la peau (mélanome). Il s’agissait là de rechercher des cancers du sein. Une première !

 

Un dressage long et délicat

Les plaies tumorales émettent des composés odorants volatiles (COV) à l'odeur spécifique. Le chien doit s’habituer à reconnaître celle qui signale un cancer du sein, à partir de la sueur des femmes à diagnostiquer. Pas question de lâcher des meutes dans des couloirs d’hôpitaux : l’animal hume des lingettes.

Mais, aussi malin qu’il soit, le malinois doit apprendre son métier. Dans un premier temps, son dresseur lui propose des exercices de détection et de mémorisation. Pendant des mois, il va renifler quantité d’échantillons positifs et négatifs qu’il apprendra à différencier. « Et il faut veiller aussi à ce que la personne qui les dispose ne soit pas celle qui tient la laisse. Une précaution pour éviter d’influencer l’animal déjà susceptible d’être distrait par une mouche qui vole sous son nez ou par le fumet d’un plat de viande préparé dans les cuisines de l’hôpital. » Quand le chien est assez rôdé, il hume en liberté. Et, condition sine qua non, pour bien travailler, il doit prendre plaisir au scénario « cherche – trouve – récompense ». Et se sentir apprécié : cet animal est un grand sensible.

Il ne s’agit pas de remplacer la mammographie. Le diagnostic canin sera toujours confirmé par un examen plus scientifique. Lui ne donne qu’une réponse binaire : il y a cancer ou non, sans permettre de localiser la tumeur ni d’évaluer sa taille. Selon Isabelle Fromantin, les chiens sont de précieux auxiliaires dans les pays où les cabinets de radiologie manquent. Ils seront aussi utiles aux femmes dont le handicap mental ou physique interdit la mammo et l’échographie. Et l’enjeu est clair : il s’agit de sauver des vies, pas de faire du profit.

 

Naissance de Kdog

Isabelle Fromantin et l'un des limiers anti-crabe du projet Kdog - Editions La Martinière

L’hôpital n’ayant pas de crédit pour le futur projet Kdog, toute l’équipe a œuvré gratuitement pendant un an, y compris les dresseurs des chiens. « Fin janvier 2016, nous n’avions pas le début de la première oreille de la moitié d’un demi chiot pour nous lancer. Or nous avions besoin de 80 000 euros pour couvrir le prix d’achat de deux bergers malinois, mais également l’habitat, l’entretien et le salaire du cynophile pour une durée supérieure à trois mois ». C’est la course aux crédits. Alors que les fondations et autres sources de financement ne veulent justement rien donner : il n ‘y a pas assez de science exacte à leur goût dans ce projet canin. Un appel via les réseaux sociaux permet finalement de réunir les fonds nécessaires. Thor, le premier malinois, arrive, suivi de Nykios, un mois plus tard, malinois lui aussi. 

 

Un projet qui plaît aux malades

Au fil des mois, cent trente femmes vont aider l’équipe. Seules cinquante d’entre elles sont des volontaires « saines ». Il s’agit de la voisine, de la cousine, de l’infirmière du service d’à côté, de la stagiaire etc. En fait, il a fallu trier car le nombre de personnes souhaitant collaborer était énorme. Leur rôle consistait à poser une lingette sur leur sein pendant toute une nuit et à le mettre dans un bocal le lendemain matin. De son côté, l’équipe se chargeait de faire parvenir les bocaux au centre d’entraînement des chiens.

En 2017, la vie d’Isabelle Fromantin se résume en un mot : Kdog. « Au début, l’entraînement des malinois a lieu dans une grande caserne désaffectée. Nous regardons les exercices sur un écran depuis la salle de contrôle. Nous sommes séparés d’eux pour éviter de les perturber par nos odeurs. L’homme qui est devant nous tient au bout d’une laisse les espoirs de toute une équipe. Il lance l’ordre d’une voix ferme : « Cherche crabe ». Si Nykios s’assoit devant la bonne boîte, qui contient l’échantillon positif, c’est gagné. Ceux qui aiment les chiens et j’en fais partie, voient dans cet animal un être joueur, intelligent fidèle. Quand je regarde Nykios, ce sont avant tout des années de travail que je vois s’avancer. Il reste là, avec sa langue pendante et ses yeux rieurs, sans mesurer la valeur de ce qu’il a accompli. Il vient de gagner la récompense en nourriture qu’il attend, c’est tout ce qui l’intéresse. Moi, je pourrais lui sauter au cou, lui dire à quel point il est formidable. Puis il repart en trottinant avec son boudin entre les crocs, tranquille, joyeux lui aussi. »

Avec l’entraînement, les chiens obtiennent 100 % de bons résultats. Le « collectif Kdog » est fou de joie.

 

Des malinois heureux

Les chiens aiment leur job. « La première fois que j’ai rencontré Nykios, j’étais très impressionnée par sa stature. Il m’a fallu du temps pour accéder à sa douceur. Avec l’habitude, la relation s’est installée. Je sais même maintenant quand il fait le fier. Et je peux dire sans aucun doute qu’il est fait pour ce travail. » Comme tous les travailleurs, les chiens prennent des vacances : au refuge AVA – Aide aux Vieux Animaux -, géré par le Dr Thierry Bedossa, vétérinaire comportementaliste. « Des hectares entiers de verdure dédiés à toutes les bêtes rejetées ou promises à l’euthanasie. Des chiens qui arrivent méchants et s’apaisent petit à petit, des chats en manque de caresses et j’en passe ». Dans ce lieu interviennent régulièrement des éthologues, des spécialistes du comportement animal. Isabelle Fromantin et son équipe y apprennent à mieux décoder le langage non verbal de leurs chiens. 

Nourrie de ces nouvelles connaissances, l’équipe a commencé à réfléchir : ne faut-il réellement adopter que des malinois mâles ? « On ne peut pas demander à un pays déshérité qui a déjà des chiens d’en acheter d’autres » Les chiens – ou chiennes – seront recrutés sur un caractère de performance, non de race et de sexe. La dernière recrue s’appelle Milou et c’est un springer, un chien de chasse. Thor, qui n’était plus aussi motivé, a quitté le programme fin 2017. A suivre…

Source : psychologie.com

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