• Ecologie : pourquoi on a lâché

     

    Ecologie : pourquoi on a lâché

    Pourquoi après la prise de conscience des années 2000, avons-nous baissé les bras en matière d'écologie ? La faute à la crise ? Au peu de résultats obtenus à ce jour ? Aux politiques qui ont abandonné le sujet et au marketing qui nous a trop souvent trompé ? Enquête sur les raisons profondes de notre green fatigue.

    Laurence Lemoine

    La faute à la crise

    Les années 2000 nous avaient donné des raisons d’y croire. « Marquées par le Pacte écologique de Nicolas Hulot, le Grenelle de l’environnement, le succès des écologistes aux élections européennes de 2009, l’écho international du film Home de Yann Arthus-Bertrand, elles ont été la période glorieuse de l’écologie, constate Alice Audouin, consultante en développement durable et auteure de L'Ecologie, c'est fini (Eyrolles, 2013). Avec la crise économique, elle a été reléguée au second plan. Aujourd’hui, les Français se sentent davantage préoccupés par le chômage, la pauvreté, l’insécurité. » Difficile de nous soucier de l’avenir de la planète quand nous ne savons plus si nous allons pouvoir payer notre loyer et remplir notre frigo.

    Des écolos « répulsifs »

    Dans un tel contexte, l’écologie peine à s’imposer comme une alternative capable d’empêcher le monde de courir à sa perte. Durement critiqué pour son pamphlet anti écolo (Le Fanatisme de l'apocalypse, sauver la Terre, punir l'’homme, Le Livre de poche, 2013), le philosophe Pascal Bruckner a pourtant mis le doigt sur l’incapacité des grandes voix de ce courant (Al Gore, James Hansen, Nicolas Hulot…) à susciter dans l’opinion un sursaut positif en faveur de l’environnement. En cause, selon lui : un discours moyenâgeux assimilant les cataclysmes naturels à un châtiment contre l’orgueil et la démesure humaine. Et derrière cela : leur propre empêchement névrotique à jouir de l’existence, déguisé en idéologie de la « sobriété heureuse ». Au levier de la peur, il faudrait préférer celui de la rationalité. « Qu’il faille s’acheminer vers une économie dé carbonée, un développement compatible avec le respect de l’environnement, tout le monde est d’accord là-dessus, écrit-il dans Libération. Qu’au nom de la Terre mère, il faille embrasser la régression volontaire, idolâtrer la privation, sombrer dans la religion de l’effroi, suspecter toute innovation technologique relève de l’obscurantisme pur et simple. » Et de conclure : « Ce n’est pas le souci de la planète qui domine alors, c’est la haine de l’humanité dissimulée sous le culte de la nature. » Pas très fédérateur.

    Alice Audouin déplore elle aussi « l’effet “répulsif” de certains militants écolos, leur côté new âge et antisystème qui les caricature. On ne peut pas susciter des changements profonds en étant radicalement antitout ». Le problème, selon la consultante : « On finit par assimiler l’écologie à ces postures extrêmes qui abondent dans les médias, celles de ces Robin des bois qui vivent à la préhistoire, dans des cabanes ou des yourtes dans la forêt. » Pourtant, il ne s’agit pas de revenir en arrière ni de vivre en marge du système, mais d’inventer un nouvel avenir en cherchant collectivement comment vivre mieux dans nos sociétés.

    Un idéal déçu

    Définir une nouvelle manière de vivre ensemble à partir de l’écologie devrait être du ressort des gouvernements. Qui d’autre, en effet, a le pouvoir de fixer les orientations industrielles, d’investir dans les énergies renouvelables, de réviser les politiques agricoles, les règles d’urbanisation, les choix de santé publique ou d’éducation, de manière à provoquer une réelle transition ? Or, depuis l’échec du sommet de Copenhague en 2009, suivi par l’essoufflement du Grenelle de l’environnement et la cuisante défaite d’Eva Joly à l’élection présidentielle de 2012, nos élus semblent s’être lavé les mains du sort de la planète. Celui-ci repose désormais sur nos épaules.

    Ce report de responsabilité se fait notamment via les campagnes de sensibilisation aux éco gestes. Le philosophe Charles Pépin s’en agace : « Il faut arrêter de nous faire croire que nous allons changer l’avenir en triant nos déchets, c’est insupportable ! Si nous ne pouvons plus allumer la lumière, prendre un bain ou jeter une bouteille dans la mauvaise poubelle sans penser à la fin du monde, la culpabilité – et les contraintes – est telle que nous finissons par lâcher. Je ne dis pas que tous ces gestes sont inutiles, mais, pour initier un changement capable d’enrayer le trou de la couche d’ozone, la disparition des espèces ou la fonte de la banquise, il faut un idéal fédérateur. Ce qui nous manque, ce sont des grands projets d’écologie politique. »

    Dès lors, « tout se passe comme dans les familles où les enfants se responsabilisent à la place des parents. La charge est trop lourde », note Séverine Millet, consultante sur les questions environnementales et cofondatrice de l’association Nature humaine, qui explore les facteurs humains à l’origine de la crise écologique. Devant des enjeux aussi énormes et complexes que le réchauffement climatique, devant des discours qui alimentent la peur du cataclysme ou celle du déclassement, devant l’abandon des politiques, comment s’étonner que nous mettions en place « toutes sortes de stratégies d’évitement : le déni (qui peut pousser à croire les climato-sceptiques), la déresponsabilisation (ce n’est pas moi qui pollue, ce sont les industries ; ce n’est pas moi qui peux agir, ce sont les États) », constate-elle encore.

    Source psychologie.com

     

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